ÉQUANIMITÉ






















Équanimité pour les âges de Christophe Leray – Rédacteur en chef de Chroniques d’Architecture
Bruno Palisson s’est révélé après une longue parenthèse – familiale et professionnelle – et c’est avec un œil neuf qu’il s’exprime désormais à travers un médium artistique.
La photographie, il l’avait pratiquée étant jeune mais en aveugle. Il l’a retrouvée sur le tard et, maintenant qu’il voit, ses émotions venues du fond d’une vie entière sont intimes et universelles. Elles surgissent telle une inondation puissante emportant les dernières résistances de l’effroi, comme si une large et diverse production permettait de rattraper le temps, comme s’il y avait urgence à lâcher prise.
Équanimité, mot compliqué qui signifie égalité d'âme, d'humeur. Comme tous les bavards, Bruno Palisson prend le risque de l’incompréhension, l’égalité d’humeur cachant un bouillonnement de sensations nouvelles, comme ces bulles à la surface d’une mer calme qui indiquent la présence d’un volcan sous-marin. La photographie se passant du poids des mots, elle permet plus facilement d’accepter, et faire avec, ce que chacun porte en soi.
Jeune artiste donc mais qui en a si lourd dans la besace qu’il laisse des traces partout où il passe – expositions et festivals – testant idées et supports. En témoigne Délit de fuite, une audacieuse nouvelle photographique et une première aventure éditoriale ; « une fulgurance, une vitrine, un empressement », dit-il.
« Poursuivi par la Police de la Pensée, il prit le périphérique pas tout à fait désert. Une mise en confinement imposée et soudaine, situation sûrement nécessaire mais réalisée dans l’urgence, désorganisa toute la société. Il en profita pour s’échapper ».
S’échapper de l’orgueil et de la peur, réaliser que le temps n’existe pas sinon dans notre monde, se confronter en permanence à la dualité du cœur et de l’esprit, le cœur attaché à la nature et la paix, l’esprit une illusion. « Je croyais qu’il n’existait qu’un seul monde ! Je ne savais pas qu’il existait une autre dimension », dit-il.
Illusion de l’esprit qui craint de perdre le combat face au cœur ? C’est le paradoxe d’Équanimité. Au travers du calme apparent de ces œuvres subtiles persiste un sentiment de désastre imminent. La forêt est-elle submergée, l’eau efface-t-elle toute trace d’une présence antérieure, noyant cultures et civilisations ? Pour autant, les éléments qui composent ces images – l’eau, la lumière, la forêt, sources de vie – évoquent ensemble une mélancolie heureuse, le regard ouvert sur un horizon lointain, nouveau rivage insaisissable et, peut-être, prometteur. Façon de souligner que le monde de l’esprit qui nous habite est dramatique, dangereux et fragile et l’équanimité une vertu apaisante.